L’EMPLOYEUR PEUT-IL MODIFIER LES PRIMES OU COMMISSIONS ?

Le salarié peut percevoir une part de rémunération variable prenant la forme de primes ou commissions. Les conditions de leur suppression ou modification par l’employeur dépend alors de leur nature juridique.

Deux catégories de primes sont à distinguer :

  • La prime discrétionnaire, soumise à la libre appréciation de l’employeur tant dans son principe que dans son montant, par nature exceptionnelle et le plus souvent non mentionnée au contrat de travail. L’employeur peut donc la supprimer ou modifier.
  • La prime contractuelle sur objectifs, qui présente un caractère obligatoire et doit être payée dès lors que ses conditions d’octroi sont remplies.

Lorsque le principe d’une rémunération variable est prévu au contrat de travail, elle s’impose donc à l’employeur.

La clause stipulant une rémunération variable doit respecter les trois conditions suivantes :

  1. Elle doit être fondée sur des éléments objectifs, indépendants de la seule volonté de l’employeur.

C’est le principe de la prohibition des clauses potestatives (Cass. soc., 9 mai 2019, 17-27.448 ; Cass, soc, 3 juillet 2001, n°99-42761).

2. Les objectifs fixés par l’employeur doivent être réalisables et portés à la connaissance du salarié en début d’exercice.

L’absence de fixation des objectifs par l’employeur ou leur fixation tardive constituent un manquement justifiant à lui seul la prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié (Cass. soc., 29 juin 2011, n° 09-65.710, RJS 10/11 n°799). Le contrat doit donc fixer une période de référence pour la fixation des objectifs, leur réalisation et le paiement de la prime.

Les objectifs doivent être réalisables et avoir été portés à la connaissance du salarié en début d’exercice pour lui être opposables (Cass. Soc. 2 mars 2011, n° 08-44.978 ; Cass. Soc. 6 oct. 2016 n° 15-15672 ; Cass. soc., 9 mai 2019, n°17-20767, F-D ; Cass. soc. 8 avril 2021 n° 19-15432).

Faute pour l’employeur d’avoir informé le salarié des objectifs à réaliser ainsi que des conditions de calcul de la prime correspondante, la rémunération variable doit être payée intégralement (Cass. Soc. 10 juill. 2013 n° 12-17921).

La Cour de cassation l’a encore rappelé par un arrêt récent du 7 juin 2023 (Cass. soc. 7 juin 2023, n°21-23.232).

La rémunération variable doit être versée même si l’employeur met fin au contrat de travail, y compris en cours de période d’essai, dès lors qu’il n’existe aucun élément concret de calcul, d’objectifs actuels ou passés et de période de référence pour le versement de la prime (Cass. soc. 10 juill. 2013, n° 12-17.921).

Enfin, la clause relative à la rémunération variable doit être rédigée en français. La jurisprudence considère en effet que des objectifs fixés dans une langue étrangère, même comprise du salarié, lui sont inopposables (Cass. soc. 29 juin 2011 n° 09-67.492) ; à moins qu’une traduction en français ait été rapidement fournie (Cass. soc. 21 sept. 2017, n° 16-20.426.)

3. La clause relative à la rémunération variable ne peut avoir pour conséquence d’infliger une sanction pécuniaire au salarié (Cass. soc. 4 juill. 2007, n° 06-40).

Toute modification de la rémunération variable du salarié doit être expressément acceptée par ce dernier.

Peu importe que l’employeur prétende que le nouveau mode de rémunération serait sans effet sur le montant global de la rémunération du salarié (Cass. soc, 18 mai 2011 n° 09-69175).

La rémunération constitue en effet un élément essentiel du contrat de travail qui ne peut être modifié ni dans son montant ni dans sa structure, sans l’accord du salarié. C’est notamment le cas de la réduction de la zone géographique d’un commercial de nature à diminuer son chiffre d’affaires et par voie de conséquence ses commissions (Cass. soc. 10 avril 2013, n° 12-10.193).

Cette règle est conforme aux dispositions de l’article L 1222-1 du Code du travail qui disposent que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

Enfin, même acceptée, la modification ne doit conduire ni à faire supporter le risque de l’entreprise sur le salarié (Cass. soc. 2 juill. 2002, n° 00-13.111), ni à porter la rémunération en-dessous des minima légaux et conventionnels.

L’EMPLOYEUR PEUT-IL MODIFIER LES PRIMES OU COMMISSIONS ?

Le salarié peut percevoir une part de rémunération variable prenant la forme de primes ou commissions. Les conditions de leur suppression ou modification par l’employeur dépend alors de leur nature juridique.

Deux catégories de primes sont à distinguer :

  • La prime discrétionnaire, soumise à la libre appréciation de l’employeur tant dans son principe que dans son montant, par nature exceptionnelle et le plus souvent non mentionnée au contrat de travail. L’employeur peut donc la supprimer ou modifier.
  • La prime contractuelle sur objectifs, qui présente un caractère obligatoire et doit être payée dès lors que ses conditions d’octroi sont remplies.

Lorsque le principe d’une rémunération variable est prévu au contrat de travail, elle s’impose donc à l’employeur.

La clause stipulant une rémunération variable doit respecter les trois conditions suivantes :

  • Elle doit être fondée sur des éléments objectifs, indépendants de la seule volonté de l’employeur.

C’est le principe de la prohibition des clauses potestatives (Cass. soc., 9 mai 2019, 17-27.448 ; Cass, soc, 3 juillet 2001, n°99-42761).

  • Les objectifs fixés par l’employeur doivent être réalisables et portés à la connaissance du salarié en début d’exercice.

L’absence de fixation des objectifs par l’employeur ou leur fixation tardive constituent un manquement justifiant à lui seul la prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié (Cass. soc., 29 juin 2011, n° 09-65.710, RJS 10/11 n°799). Le contrat doit donc fixer une période de référence pour la fixation des objectifs, leur réalisation et le paiement de la prime.

Les objectifs doivent être réalisables et avoir été portés à la connaissance du salarié en début d’exercice pour lui être opposables (Cass. Soc. 2 mars 2011, n° 08-44.978 ; Cass. Soc. 6 oct. 2016 n° 15-15672 ; Cass. soc., 9 mai 2019, n°17-20767, F-D ; Cass. soc. 8 avril 2021 n° 19-15432).

Faute pour l’employeur d’avoir informé le salarié des objectifs à réaliser ainsi que des conditions de calcul de la prime correspondante, la rémunération variable doit être payée intégralement (Cass. Soc. 10 juill. 2013 n° 12-17921).

La Cour de cassation l’a encore rappelé par un arrêt récent du 7 juin 2023 (Cass. soc. 7 juin 2023, n°21-23.232).

La rémunération variable doit être versée même si l’employeur met fin au contrat de travail, y compris en cours de période d’essai, dès lors qu’il n’existe aucun élément concret de calcul, d’objectifs actuels ou passés et de période de référence pour le versement de la prime (Cass. soc. 10 juill. 2013, n° 12-17.921).

Enfin, la clause relative à la rémunération variable doit être rédigée en français. La jurisprudence considère en effet que des objectifs fixés dans une langue étrangère, même comprise du salarié, lui sont inopposables (Cass. soc. 29 juin 2011 n° 09-67.492) ; à moins qu’une traduction en français ait été rapidement fournie (Cass. soc. 21 sept. 2017, n° 16-20.426.)

  • La clause relative à la rémunération variable ne peut avoir pour conséquence d’infliger une sanction pécuniaire au salarié (Cass. soc. 4 juill. 2007, n° 06-40).

Toute modification de la rémunération variable du salarié doit être expressément acceptée par ce dernier.

Peu importe que l’employeur prétende que le nouveau mode de rémunération serait sans effet sur le montant global de la rémunération du salarié (Cass. soc, 18 mai 2011 n° 09-69175).

La rémunération constitue en effet un élément essentiel du contrat de travail qui ne peut être modifié ni dans son montant ni dans sa structure, sans l’accord du salarié. C’est notamment le cas de la réduction de la zone géographique d’un commercial de nature à diminuer son chiffre d’affaires et par voie de conséquence ses commissions (Cass. soc. 10 avril 2013, n° 12-10.193).

Cette règle est conforme aux dispositions de l’article L 1222-1 du Code du travail qui disposent que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

Enfin, même acceptée, la modification ne doit conduire ni à faire supporter le risque de l’entreprise sur le salarié (Cass. soc. 2 juill. 2002, n° 00-13.111), ni à porter la rémunération en-dessous des minima légaux et conventionnels.

DENIGREMENT OU DIFFAMATION ? UNE DISTINCTION FONDAMENTALE MAIS PARFOIS SUBTILE…

Bien que sanctionné au titre de la concurrence déloyale, le dénigrement est un procédé aussi vieux que le commerce. Facilité par Internet et la numérisation, il est important d’en connaître les contours, afin de ne pas le confondre avec la notion voisine de diffamation.

La distinction est fondamentale car les deux qualifications obéissent à des régimes juridiques distincts. Alors que la réparation du dénigrement doit être poursuivie sur le fondement de la responsabilité délictuelle prévue par l’article 1240 du Code civil, la diffamation est un abus de la liberté d’expression réprimé par la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse et comporte une sanction pénale. En outre, si le dénigrement relève en principe du Tribunal de Commerce (à moins que l’auteur ne soit pas commerçant), l’action en diffamation est de la compétence exclusive du Tribunal Judiciaire. Elle est soumise à une prescription très courte de trois mois à compter de la publication des propos litigieux, contre cinq ans en matière de dénigrement. Autant dire qu’il faut aller vite en matière de diffamation et être particulièrement vigilant car l’acte introductif d’instance doit comporter un certain formalisme à peine de nullité.

Alors ? Comment distinguer ces deux notions ? A priori, la définition de chacune est assez claire. Selon la Loi sur la presse du 29 juillet 1881, la diffamation est « l’allégation ou l’imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ».  Quant au dénigrement, la jurisprudence le définit comme le fait de jeter publiquement le discrédit sur les produits, les services, l’entreprise ou la personnalité d’un concurrent. Il s’ensuit que le dénigrement implique que le discrédit soit dirigé contre un produit, un service ou une entreprise, alors qu’en matière de diffamation, c’est l’honneur ou à la considération d’une personne physique qui sont visées.

La distinction peut néanmoins s’avérer délicate lorsque les allégations visent une personne physique, par exemple le dirigeant d’une entreprise mais ont en réalité pour seul objet de dénigrer les prestations fournies par celle-ci. Dès lors que l’action en dénigrement est fondée sur la responsabilité délictuelle qui nécessite la réunion de trois conditions : une faute, un préjudice et un lien de causalité, il convient alors d’apprécier le véritable « mobile » de la faute et le contexte dans lequel elle a été commise. Le dénigrement est caractérisé par une intention de nuire commercialement. Si les propos litigieux ne visent pas seulement à discréditer la personne elle-même mais à travers elle, la qualité des prestations fournies, la qualification de dénigrement doit être retenue. C’est ce qu’a estimé la Cour de cassation s’agissant par exemple « d’allégations portées à l’encontre du gérant d’une société qui n’avaient pour objet que de mettre en cause la qualité des prestations fournies par celle-ci dans la mesure où elles émanaient d’une société concurrente de la même spécialité exerçant dans le même secteur d’activité, qui étaient proférées dans le but manifeste d’en détourner la clientèle » (Cass., 1ère civ. 5 déc. 2006, n°05-17.710).

Mais cette appréciation ne signifie nullement que l’auteur du dénigrement soit nécessairement un concurrent, même si c’est le cas le plus courant. Selon la jurisprudence, le dénigrement peut être caractérisé contre toute personne, quelle que soit son activité et sa présence sur un marché. Il a ainsi été jugé que  « même en l’absence d’une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, la divulgation par l’une, d’une information de nature à jeter le discrédit sur un produit commercialisé par l’autre, peut constituer un acte de dénigrement » (Cass. com., 20 novembre 2007, n°05-15.643 ; Cass. 1ère civ., 11 juill. 2018, n°17-21.45 ; Cass. com., 4 mars 2020, n°18-15.651). Cette position s’explique par le fait que l’action en concurrence déloyale, fondée sur la responsabilité civile, sanctionne une faute dommageable ; et ce, quelle que soit la qualité de son auteur. Les critiques négatives ou malveillantes sont toutefois appréciées avec moins de sévérité lorsqu’elles émanent de consommateurs.

Il suffit donc que les allégations litigieuses aient trait à des agissements intéressant l’exercice de l’activité commerciale et qu’elles aient pour objet ou pour effet de jeter le discrédit sur les produits ou prestations de l’entreprise pour que le dénigrement soit constitué. Ont ainsi été qualifiés de dénigrement les accusations de vol à l’encontre d’un dirigeant de société ou le fait de relater des difficultés de paiement d’une entreprise (Cass. com., 30 sept. 2020, no 18-25.204).

Contrairement à la diffamation, il n’existe pas d’exception de vérité en matière de dénigrement. Le fait de démontrer l’exactitude des faits révélés ne suffit pas à exonérer l’auteur de sa responsabilité. (Cass. com., 23 mars 1999 ; (Cass., Com., 12 mai 2004 ; Cass. com., 28 septembre 2010).

Dès lors, puisque ni la qualité de l’auteur ni l’inexactitude des faits ne suffisent à qualifier le dénigrement, celui-ci sera constitué chaque fois que seront réunies les trois conditions suivantes :

  1. Des propos péjoratifs.

Il doit en effet s’agir d’allégations outrepassant le droit à la critique relevant de la liberté d’expression. L’intention de nuire doit se caractériser par la volonté de porter atteinte à l’image de marque d’une entreprise, de ses produits ou services. Ainsi,  dans un arrêt de principe, la Cour de Cassation a considéré qu’il n’y avait pas de dénigrement lorsque « l’information en cause se rapporte à un sujet d’intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante et sous réserve qu’elle soit exprimée avec une certaine mesure » (Cass. Com., 4 mars 2020 n°18-15.651).

  1. Les propos doivent être rendus publics.

Quel que soit le mode de communication (écrit, image, sonore), une publicité extérieure est nécessaire ; ce qui n’est pas le cas par exemple de la diffusion d’une note interne.

  1. Les propos doivent viser une entreprise identifiable, sa marque, ses produits ou services.

Il conviendra donc de prouver que ce discrédit est la cause d’un dommage. L’indemnisation consistera à la réparation du préjudice moral (l’atteinte à l’image de marque ou la réputation de l’entreprise), ainsi qu’à celle d’un éventuel préjudice matériel résultant de la perte de clientèle et par conséquent, de marge commerciale.

Les victimes du vaccin Covid-19 face aux incertitudes du droit et de la science.

L’adage est connu. Mieux vaut prévenir que guérir. Néanmoins, si la majorité des scientifiques s’accorde sur le fait que les vaccins contre la Covid-19 sont efficaces et sans danger, la médecine n’est pas une science exacte. Tout acte médical comporte sa part de risque, même exceptionnel. La vaccination contre la Covid-19 n’échappe pas à la règle. Avec l’augmentation du nombre de personnes vaccinées, les autorités de pharmacovigilance semblent constater l’apparition de certains symptômes post-vaccinaux (accidents vasculaires, affections du système nerveux, problèmes cutanés, affections hématologiques, troubles de la vision ou de l’audition).

Pour obtenir réparation de son préjudice, la victime n’est pas tenue de rapporter la preuve d’une faute (faute du professionnel lors de l’injection ou preuve de la nocivité du vaccin) ; ce qui serait quasi impossible pour un non sachant, confronté à la puissance de laboratoires multinationaux dotés de toutes les autorisations nécessaires à la commercialisation du produit.

La Loi du 1er juillet 1964 a en effet instauré un régime particulier de responsabilité sans faute pour une liste limitative de vaccins dits obligatoires, même s’ils ne le sont pas toujours… (antidiphtérique, antitétanique, antipoliomyélitique, anti rougeole, rubéole, oreillons, hépatite B, etc.). Ce régime prévoit la réparation intégrale des préjudices directement imputables à ces vaccins par l’ONIAM (Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales).

Toutefois, dans leurs tâtonnements et incohérences pour gérer la crise du Coronavirus, les pouvoirs publics ont encore failli en omettant d’inclure le vaccin Covid-19 dans la liste précitée.

La victime du vaccin Covid-19 n’est pas pour autant démunie. Elle peut demander réparation sur le fondement de l’article L3131-4 du Code de la santé publique, qui prévoit l’indemnisation des seuls préjudices directement causés par la vaccination. Faute d’anticipation de l’Etat sur les contentieux à venir, il reviendra alors au juge de préciser les conditions d’une indemnisation.

Pour les victimes du vaccin Covid-19, il s’agira donc de préciser les critères établissant un lien de causalité direct entre le préjudice subi et la vaccination.

Par analogie avec la jurisprudence développée en matière de vaccination contre l’hépatite B, quatre critères devraient être déterminants.

  1. La temporalité, c’est-à-dire l’apparition des symptômes dans un bref délai après la vaccination. Mais quid de la durée de ce bref délai (cinq mois ? six mois ?) et des affections qui pourraient se révéler à plus long terme selon certains scientifiques ?
  2. L’état de santé du patient avant la vaccination ou l’absence d’antécédents médicaux ; ce qui devrait exclure les patients particulièrement fragiles, pourtant les plus encouragés à se faire vacciner.
  3. Le développement normal de la maladie suite à l’apparition des symptômes ; l’indemnisation n’ayant pas vocation à réparer des troubles ponctuels ou transitoires.
  4. Une affection scientifiquement identifiée comme étant en lien avec le vaccin.

Le temps de la justice n’étant pas celui de la médecine, l’action en indemnisation demeure donc incertaine. Pour autant, elle n’est pas vaine et s’avère nécessaire pour faire triompher le droit sur les incertitudes de la science.

Honoraires et crustacés.

A la faveur de l’été, notre droit aurait-il adopté la démarche du crabe ?

Aux termes de l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971 dans sa rédaction initiale, à défaut de convention entre les parties, les honoraires devaient être fixés « selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci ».

Puis la Loi Macron du 6 août 2015 est venue modifier cet article en imposant l’obligation pour l’avocat de conclure par écrit avec son client, une convention précisant notamment le montant ou le mode de détermination des honoraires, les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés.
En vertu de ce nouveau texte, il n’était possible de déroger à l’obligation de conclure une convention d’honoraires qu’en cas d’urgence ou de force majeure.

Ces nouvelles règles ont donné lieu à des décisions de justice surprenantes, aux termes desquelles l’avocat se trouvait privé de rémunération pour son travail, faute de convention signée avec le client.

Par un arrêt du 14 juin 2018, la Cour de cassation s’est finalement prononcée en faveur du droit de l’avocat à un honoraire en l’absence de convention d’honoraires, malgré l’obligation légale imposée par la loi du 6 août 2015. Cet arrêt précise qu’en l’absence de convention, l’honoraire doit être fixé « en tenant compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci. »(Cass. 2e Civ. 14.06.2017, n° 17-19709). Etonnant non ?!

Si cette jurisprudence se maintient, les avocats négligents pourront par conséquent être rétribués pour leurs diligences. Reste que conformément à la loi, il est toujours préférable de contractualiser l’honoraire pour sécuriser le client et éviter l’aléa judiciaire induit par les critères d’appréciation posés par l’article 10.

Bonne rentrée à tous !

Caroline PONS-DINNEWETH, Avocat à la Cour

Réforme du droit des contrats : un risque accru d’insécurité juridique pour les entreprises.

La loi de ratification de la réforme du droit des contrats entrera en application le 1er octobre 2018. Même si certaines dispositions dites interprétatives (c’est-à-dire n’apportant pas d’innovation et se bornant à reconnaître un état de droit existant) auront un effet rétroactif aux contrats en vigueur depuis le 1er octobre 2016, les nouvelles règles s’appliqueront aux contrats conclus à compter du 1er octobre 2018.

A partir de cette date, dans les contrats d’adhésion, « toute clause non négociable, déterminée à l’avance par l’une des parties » sera réputée non écrite.

Cette disposition est génératrice d’insécurité juridique puisqu’aucune relation contractuelle n’échappera désormais à la sanction des clauses abusives, y compris entre professionnels.

Qu’il s’agisse des contrats d’adhésion entre particuliers, des contrats-types de baux commerciaux non soumis à négociation, les actions risquent de se multiplier. Les contestations pourront aussi concerner les conditions générales de vente des entreprises qui constituent nécessairement des contrats d’adhésion. Leurs clauses seront en effet susceptibles de se voir opposer l’absence de réciprocité des obligations prévues ou leur caractère disproportionné. La réforme du droit des contrats annonce par conséquent une abondante jurisprudence et une insécurité juridique à laquelle les partenaires commerciaux devront faire face.

Entre professionnels, la notion de déséquilibre significatif du contrat est entendue très largement par les tribunaux. Elle peut être retenue chaque fois qu’il existe une absence de réciprocité pour une même obligation, une clause exorbitante laissée sans raison à l’appréciation de l’une des parties, une obligation non justifiée ou non nécessaire, ou une clause disproportionnée en faveur d’une partie sans justification objective.

Même une clause qui n’a pas reçu application peut être sanctionnée. Les clauses relatives au prix sont également susceptibles d’être jugées abusives entre partenaires commerciaux, alors que le droit de la consommation et le droit commun excluent un tel contrôle en ce qui concerne l’adéquation du prix à la prestation.

Cette évolution est d’autant plus défavorable aux entreprises que la sanction des clauses abusives n’a cessé de se renforcer progressivement : de la cessation des pratiques à la nullité des clauses, à la répétition de l’indu, la réparation du préjudice ou dans certains cas, l’amende civile de plusieurs millions d’euros à la requête du ministère de l’économie (notamment prononcée à l’encontre d’enseignes de la grande distribution).

Il restera toutefois à établir la preuve de l’absence de négociation effective. Celle-ci pourra notamment résulter de la tentative de la partie lésée d’obtenir la suppression ou la modification de la clause dans le cadre des négociations ou de l’existence d’une obligation de contracter ne laissant aucune alternative au cocontractant.

Caroline Pons-Dinneweth, Avocat à la Cour

La pension alimentaire : quel régime fiscal ?

En cette période de déclarations fiscales, quid de la pension alimentaire ?

Intitulée « contribution à l’entretien et l’éducation des enfants », cette pension payée chaque mois en cas de séparation ou de divorce par l’un des parents, a pour objet de contribuer aux frais d’aliments, de vêture, d’éducation et de loisirs des enfants. Elle est due tant que les enfants ne peuvent être autonomes financièrement, autrement dit au-delà de la majorité le plus souvent.

Qu’elle soit fixée amiablement ou en exécution d’une décision de justice, cette pension est actuellement soumise au régime fiscal suivant en ce qui concerne l’imposition sur les revenus :

EN CE QUI CONCERNE l’ENFANT MINEUR :

Si la charge fiscale de l’enfant est partagée entre les deux parents et qu’ils bénéficient donc tous deux de la majoration du quotient familial (Article 80 septies CGI), aucune déduction ne peut être pratiquée. Le cas le plus fréquent est celui de la résidence alternée.

Par contre, si la charge fiscale de l’enfant est exclusivement supportée par un parent, la pension est déductible des revenus du parent qui la verse :

  • A hauteur du montant fixé par le jugement ou la convention de divorce, sans limitation, sous réserve que la décision soit définitive depuis 2006. Pour les pensions fixées par une décision définitive antérieure à 2006, la pension est déductible pour 125 % de son montant.
  • Les augmentations annuelles (par le jeu d’une clause d’indexation ou en cas de revalorisation de la pension) sont également déductibles.
  • Les autres frais d’entretien, à savoir les dépenses en nature spontanées, versés en complément de la pension et en dehors de l’exercice du droit de visite et d’hébergement (frais médicaux, scolaires ou extra-scolaires par exemple), sont aussi déductibles à condition d’être justifiés. Il sera donc nécessaire de conserver les factures correspondant aux frais couverts et les relevés de comptes bancaires.

EN CE QUI CONCERNE l’ENFANT MAJEUR A CHARGE :

  • La pension est déductible sous condition de versement effectif et de justifier l’état de besoin de l’enfant majeur, dans la limite d’un plafond de 5.795 € (pour l’imposition des revenus de l’année 2017). Peu importe que la pension soit versée à l’autre parent ou directement à l’enfant. Cette somme est doublée si le majeur concerné a une famille à charge.
  • Lorsque l’enfant majeur réside chez le parent débiteur de la pension alimentaire, celui-ci peut déduire les dépenses de nourriture et d’hébergement pour un montant maximum de 3.445 €.

Pour le parent bénéficiaire de la pension, les sommes reçues sont imposables au titre de l’impôt sur les revenus et doivent donc être déclarées dans la catégorie des pensions. Lorsque l’enfant est majeur, le plafond applicable est le même que celui appliqué en matière de déduction. Il convient donc de déclarer : le montant effectivement reçu si celui-ci est inférieur à 5.795 € ou le montant de 5.795 €, si le montant réellement perçu est supérieur.

Caroline Pons-Dinneweth, Avocat à la Cour.

 

Quelle justice demain ?

On sait les avocats contestataires par nature. Mais en ce mois d’avril 2018, ils ne sont pas seuls à se mobiliser contre le projet de loi de programmation pour la justice proposé sans concertation par le gouvernement. L’ensemble des professions judiciaires : magistrats, greffiers et avocats, dénonce depuis plusieurs semaines tant la méthode de cette réforme, menée sans réflexion et au pas de charge, que le contenu du projet, préjudiciable aux droits de la défense, des victimes et plus généralement du justiciable. Après plusieurs jours d’une grève très suivie, bien qu’un peu occultée par celle des cheminots, une journée de mobilisation nationale et unitaire est prévue le 11 avril, afin que la modernisation, certes nécessaire de l’institution, ne se traduise pas par une nouvelle dégradation du service de la justice.

Les points du projet principalement contestés sont les suivants :

  • L’atteinte portée aux droits de la victime :

En portant de 3 à 6 mois le délai du Procureur de la République pour répondre à une plainte pénale, puis en exigeant un recours hiérarchique devant le Procureur Général en cas de classement sans suite, et en autorisant le juge d’instruction à refuser la plainte avec constitution de partie civile lorsque la citation directe devant le Tribunal est possible.

  • L’atteinte aux droits de la défense par la création du tribunal criminel départemental composé de magistrats au lieu d’un jury populaire :

Ce projet aboutit à une extension de la correctionnalisation pour tous les crimes. Il fait primer la gestion des flux et l’approche budgétaire sur la qualité du procès d’assises (diminution de l’oralité au détriment des droits de la défense). Ce n’est plus une réforme judiciaire, mais une rupture culturelle. En faisant des électeurs des jurés, nos institutions offraient la garantie d’un procès juste et équitable afin que le Tribunal ne se transforme pas en une juridiction de la seule accusation, comme on le voit parfois devant certains tribunaux, où le sort du prévenu est déjà scellé, le débat écarté, l’espoir anéanti.

  • Une déjudiciarisation par une véritable privatisation de la justice, faisant primer une réduction des moyens qui aboutit à une justice sans juge, sans avocat et sans justiciable :
    • En envisageant la participation au service public de la justice de plateformes proposant une résolution des litiges par un traitement algorithmique ;
    • En prévoyant le règlement des petits litiges par voie dématérialisée, sans audience même si une partie le demande ;
    • En confiant aux directeurs de CAF le traitement des litiges portant sur la modification du montant d’une contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants ;
    • En supprimant, en matière de divorce, la possibilité pour les époux d’être entendus dès le début de l’instance alors même qu’à ce stade, un dialogue entre le magistrat et les époux assistés de leurs avocats, est une nécessité reconnue par tous.
  • La création de déserts judiciaires par le regroupement des juridictions qui n’apportent ni garantie en matière de qualité de la justice ni réduction des coûts (avec au contraire une augmentation des frais de défense – et donc du budget de l’aide juridictionnelle – induits par l’allongement des déplacements des avocats).

Complexité, lenteur des procédures, manque de moyens, personne ne conteste que l’institution judiciaire nécessite une réforme et doive se moderniser. Mais cette modernisation doit-elle s’effectuer au détriment du justiciable ? Ne doit-on avoir qu’une vision statistique de la justice ?

Caroline Pons-Dinneweth, Avocat à la Cour

 

Divorce, séparation : quand un enfant rejette un parent…

Il arrive parfois qu’après un divorce ou une séparation, un enfant rejette un parent. Ce rejet peut prendre des degrés divers, du simple conflit, aux distances ou à la rupture brutale des relations. Ce rejet peut alors conduire à une demande de changement de résidence à l’initiative de l’enfant et la justice se trouve souvent peu à même d’apprécier la situation dans toute sa complexité. L’encombrement des tribunaux ne favorisant pas un examen approfondi, l’enfant est alors fréquemment entendu et son désir entériné, alors même que cette décision peut s’avérer contraire à son intérêt.

De nombreux professionnels ont pourtant expliqué ces phénomènes de rejet par un enfant de l’un de ses parents, parfois appelé « syndrome d’aliénation parentale ». Hormis les cas de maltraitance psychologique ou physique avérés dans lesquels, paradoxalement, l’enfant ne manifeste pas toujours le désir de couper le lien, les motifs peuvent être très variés. L’enfant décide parfois de se tourner vers le parent qui lui semble le plus fragile, le parent victime en quelque sorte. Dans d’autres cas, il favorisera le parent le plus compréhensif ou permissif ou son choix sera inconsciemment motivé par le fait d’obliger l’un de ses parents à faire preuve d’autorité.

La psychothérapeute Elodie Cingal analyse ces situations de rejet de la manière suivante :

Pendant la phase de séparation et celle qui suit, les parents ne sont plus les parents connus par l’enfant. Dans ce contexte, l’enfant qui n’a qui pas fini de se construire (quel que soit l’âge, même à 18 ans) se retrouve face à une perte de repères et de valeurs. Les deux parents se contredisent et les habitudes, à savoir les éléments de sécurité familiaux, sont rompus. L’enfant fragilisé peut alors se tourner vers l’un de ses parents et le choix ne portera pas forcément sur celui qu’il préfère mais sur celui qui se montre le plus conciliant et peut faire de sa vie un havre de paix.  Dans certains cas, son rejet peut aussi être inconsciemment motivé par le fait d’obliger l’un de ses parents à fixer des limites, à retrouver sa place et faire montre d’autorité.

Si le parent rappelle à l’enfant que malgré la situation de séparation et les désaccords, l’autre parent a toujours sa place et doit être respecté, le rejet ne pourra pas être mis en place. Pour qu’un enfant décide de ne plus voir l’un de ses parents de manière radicale, c’est donc que l’autre parent l’a autorisé, soit en laissant faire, soit par volonté de nuire.

Souvent le parent insiste pour que l’enfant aille voir son autre parent, mais il n’impose pas à l’enfant de le faire. Il suffirait pourtant qu’il dise à l’enfant « c’est ton père/ta mère, tu iras et c’est comme ça. Ce n’est peut-être pas le père/la mère idéale pour toi mais il/elle reste ton père/ta mère. Tu es encore mineur et ce n’est pas à toi de décider ce qui est bien pour toi. Je parlerai à ton père/ta mère pour que tout se passe bien ». Ainsi, l’enfant entend :

– le respect maintenu pour l’autre parent,

– le rappel de sa place dans la famille,

– le rappel du système des valeurs familiales,

– que le parent gardien a entendu sa plainte et se sent concerné,

– que le dialogue entre les parents n’est pas totalement rompu.

Auparavant, il était interdit à l’enfant de mal parler à un parent ou de refuser une activité… Pourquoi soudainement donner ce pouvoir à l’enfant ?

Ce qu’il est important de comprendre ici, c’est qu’en voulant bien faire – laisser faire et accepter de transformer les règles de base (politesse, respect du parent…) – le parent gardien renforce le sentiment de pouvoir de l’enfant et permet la création du rejet. L’émergence du phénomène de rejet dépend donc de la gestion et du maintien par les parents des valeurs et habitudes. Certains laissent faire, soit dans le but de nuire à l’autre parent, soit dans la croyance naïve qu’ils compensent ainsi la perte liée à la séparation / divorce. C’est une erreur à ne pas commettre.

L’autre parent se retrouve démuni face au rejet de son enfant. Ayant déjà peu de temps avec lui, il ne sait comment modifier sa perception. Il se sent piégé et pressent vite que tout sera interprété contre lui. Il est de plus en plus isolé et de ce fait de plus en plus fragile et moins amène pour rétablir une vérité. La spirale descendante est enclenchée et chacun, le père, la mère et l’enfant, perdent le contrôle sur les événements à venir.

Comment décider si un enfant doit ou non continuer à voir l’autre parent ? Doit-on répondre positivement à sa demande ?

Se peut-il qu’un enfant rejette son parent quand celui-ci n’a rien fait de répréhensible ? Nous savons tous que la séparation est le lieu privilégié des rancunes, angoisse et réactivation des problématiques refoulées.

Rappelons-le, un enfant, même à 18 ans, n’est pas capable de comprendre les conséquences de ses actes et de ses paroles. Il n’a pas accès à tous les éléments pour prendre sa décision et il n’en a pas la compétence.

Lorsqu’un enfant rejette un parent, il n’a pas conscience de la spirale descendante qu’il lance. L’argument s’applique également à l’adolescent. Il ne sait pas encore faire la part des choses. Tout un chacun estime qu’un adolescent dit des choses qui dépassent sa pensée pour provoquer et tester les limites. Alors, lorsqu’il s’agit de rejet d’un parent, comment pourrait-on considérer qu’il a mesuré sa demande, qu’il en comprend les conséquences ? Quels adultes sommes-nous pour dire tout et son contraire ?

Il serait donc préférable de réfuter la demande de l’enfant. Mais, comment avoir la certitude que nous ne remettons pas l’enfant à un parent nocif ? La question à élucider est la suivante : Les éléments de plaintes sont-ils proportionnés par rapport à la demande ?

Un enfant qui rejette un parent pour des motifs disproportionnés ne doit pas être entendu. Entendre l’enfant ne signifie pas accepter aveuglement sa demande mais la prendre en compte. Il s’agit alors de lui faire remarquer que nous prenons en compte sa difficulté mais que la décision étant très grave, il a été décidé de maintenir le lien tel qu’il était auparavant avec son parent. Il s’agit également de rappeler à l’enfant que le rôle d’un parent est de s’assurer du maintien du lien entre l’enfant et l’autre parent. Il s’agit d’ajouter que le parent défaillant dans le maintien de ce lien devra rendre des comptes. On peut l’expliquer par des choses simples comme les règles de politesse intrafamiliales : Alors que le couple était marié, aucun n’aurait accepté que son enfant refuse de dire bonjour, au revoir ou bonne nuit à l’autre parent. Les deux seraient restés solidaires pour faire entendre les règles de respect auprès du parent… et plus exhaustivement de la vie. Ce respect de l’autre parent doit perdurer malgré la séparation.

Tenir compte uniquement de l’avis de l’enfant lorsqu’il refuse de voir son parent conduit malheureusement à une distorsion des valeurs chez l’enfant. Celui-ci, non conscient de ce qu’il demande et de ses conséquences (selon Piaget, un enfant a fini d’acquérir la pensée abstraite vers 16 ans et donc la notion de projection dans le futur et de vue globale), se retrouve maître de son destin mais surtout, il pense avoir le pouvoir sur le monde des adultes.

Il est donc essentiel que les parents ne règlent pas leurs comptes sur le dos de leur enfant, restent cohérents dans son éducation et fassent preuve de fermeté malgré la séparation. L’éducation suppose nécessairement des interdits, des contraintes et des frustrations. Dire non à son enfant n’est pas un signe de désamour mais au contraire celui d’un rôle éducatif responsable et investi.

Aucun enfant ne peut se construire dans le rejet total ou partiel de l’autre parent car renier une partie de sa famille revient à se renier lui-même. Les parents doivent donc, malgré la séparation, maintenir le lien qui les unit à leur enfant et préserver le respect de l’autre parent. Il en va de la sécurité affective de l’enfant et de son développement.

En effet, selon la psychothérapeute, des risques existent pour l’enfant à terme, qu’il s’agisse des troubles psychopathologiques, psychosomatiques et relationnels mais également d’une perte considérable de la confiance en soi, pouvant  induire diverses formes de dépendance.

 

Succession de Johnny Hallyday : Peut-on déshériter ses enfants ?

Une chose est sûre : après un hommage aussi national que populaire, le rockeur français continuera à faire parler de lui longtemps après sa mort ! L’annonce par Laura Smet et David Hallyday de l’existence d’un testament établi en Californie par leur père quatre ans avant son décès, manifestant sa volonté de soumettre sa succession au droit américain et de les déshériter au profit de sa dernière épouse, alimente en effet  un feuilleton médiatico-judiciaire qui n’est pas prêt de s’arrêter !  Au-delà des considérations d’ordre moral  ou « people », cette affaire soulève d’intéressantes questions juridiques, notamment quant à la détermination du droit applicable et la portée du principe français de la réserve héréditaire dans l’ordre international.

Le droit français protège en effet certains héritiers dits réservataires – dont les enfants – en leur attribuant impérativement une portion de la succession ; règle d’ordre public à laquelle il est impossible de déroger. Dans l’affaire récente et assez similaire de la succession du compositeur Maurice Jarre (qui avait lui-aussi déshérité ses enfants au profit de sa dernière épouse par un testament californien), la Cour de Cassation a néanmoins jugé en septembre 2017 que la réserve héréditaire n’est pas un principe du droit français protégé par l’ordre public international, de sorte que la loi étrangère peut le méconnaître si son application n’est pas incompatible avec les principes essentiels du droit français (Cass. Civ. 1ère, 27 sept.2017, n°16-17.198). En l’espèce, la Cour avait relevé que les enfants du défunt, Jean-Michel Jarre et sa sœur Stéphanie, n’indiquaient pas être dans une situation de précarité économique et de besoin. Les enfants de Johnny Hallyday devront donc établir la violation d’un principe essentiel du droit français pour faire appliquer leur réserve héréditaire en dépit de l’application du droit californien et convaincre les juges que cette exhérédation leur cause un préjudice trop important ; ce qui pourrait être compliqué en l’absence de difficultés financières.

Quant à la détermination du droit applicable à la succession, la question est particulièrement intéressante au cas particulier. La règle de conflit désigne en effet comme loi applicable celle de la résidence habituelle du défunt. La question est d’autant plus importante que les biens immobiliers ne sont plus régis par la loi du lieu où ils se trouvent depuis le principe d’unicité de la loi successorale édicté par le Règlement européen n°650/2012, qui prévoit que la loi de la dernière résidence habituelle du défunt s’applique désormais pour tous les biens dépendant de la succession, meubles et immeubles. Selon la Cour de Cassation, cette notion de résidence habituelle s’entend comme « le lieu où l’intéressé a fixé, avec la volonté de lui conférer un caractère stable, le centre permanent ou habituel de ses intérêts » (Cass. Civ.1ère,  14 déc. 2005, n°05-10.951). Dans le cas de Maurice Jarre, l’application du droit américain soulevait moins de difficultés puisque celui-ci avait établi sa résidence aux USA de manière stable depuis les années 50. En ce qui concerne Johnny Hallyday,  la situation est plus litigieuse puisque celui-ci s’était certes établi depuis plusieurs années en Californie et était résident fiscal américain. Cependant, il résidait aussi régulièrement dans ses propriétés françaises de Saint-Barthélemy et Marnes-la-Coquette, où il a manifestement choisi de terminer sa vie se sachant atteint d’une très grave maladie et après s’être fait soigner à Paris. Ses obsèques nationales ont aussi eu lieu en France, où il réalisait probablement l’essentiel de ses revenus. Il sera donc intéressant de connaître la décision qui sera définitivement rendue sur cette question. Il en va de même de celle qui tranchera la contestation relative à un éventuel abus de faiblesse, bien qu’elle ait moins de chance d’aboutir s’agissant d’un testament établi en 2014.

Faute de règlement amiable, qui aurait pourtant le mérite de permettre à chacun de vivre largement à l’abri du besoin pour le restant de ses jours, en préservant sa réputation et sa tranquillité, le feuilleton se poursuivra donc, avec une seule certitude… L’argent rendra toujours fous, ceux qui en ont comme ceux qui n’en ont pas !

Caroline Pons-Dinneweth

Avocat à la Cour