L’EMPLOYEUR PEUT-IL MODIFIER LES PRIMES OU COMMISSIONS ?

Le salarié peut percevoir une part de rémunération variable prenant la forme de primes ou commissions. Les conditions de leur suppression ou modification par l’employeur dépend alors de leur nature juridique.

Deux catégories de primes sont à distinguer :

  • La prime discrétionnaire, soumise à la libre appréciation de l’employeur tant dans son principe que dans son montant, par nature exceptionnelle et le plus souvent non mentionnée au contrat de travail. L’employeur peut donc la supprimer ou modifier.
  • La prime contractuelle sur objectifs, qui présente un caractère obligatoire et doit être payée dès lors que ses conditions d’octroi sont remplies.

Lorsque le principe d’une rémunération variable est prévu au contrat de travail, elle s’impose donc à l’employeur.

La clause stipulant une rémunération variable doit respecter les trois conditions suivantes :

  1. Elle doit être fondée sur des éléments objectifs, indépendants de la seule volonté de l’employeur.

C’est le principe de la prohibition des clauses potestatives (Cass. soc., 9 mai 2019, 17-27.448 ; Cass, soc, 3 juillet 2001, n°99-42761).

2. Les objectifs fixés par l’employeur doivent être réalisables et portés à la connaissance du salarié en début d’exercice.

L’absence de fixation des objectifs par l’employeur ou leur fixation tardive constituent un manquement justifiant à lui seul la prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié (Cass. soc., 29 juin 2011, n° 09-65.710, RJS 10/11 n°799). Le contrat doit donc fixer une période de référence pour la fixation des objectifs, leur réalisation et le paiement de la prime.

Les objectifs doivent être réalisables et avoir été portés à la connaissance du salarié en début d’exercice pour lui être opposables (Cass. Soc. 2 mars 2011, n° 08-44.978 ; Cass. Soc. 6 oct. 2016 n° 15-15672 ; Cass. soc., 9 mai 2019, n°17-20767, F-D ; Cass. soc. 8 avril 2021 n° 19-15432).

Faute pour l’employeur d’avoir informé le salarié des objectifs à réaliser ainsi que des conditions de calcul de la prime correspondante, la rémunération variable doit être payée intégralement (Cass. Soc. 10 juill. 2013 n° 12-17921).

La Cour de cassation l’a encore rappelé par un arrêt récent du 7 juin 2023 (Cass. soc. 7 juin 2023, n°21-23.232).

La rémunération variable doit être versée même si l’employeur met fin au contrat de travail, y compris en cours de période d’essai, dès lors qu’il n’existe aucun élément concret de calcul, d’objectifs actuels ou passés et de période de référence pour le versement de la prime (Cass. soc. 10 juill. 2013, n° 12-17.921).

Enfin, la clause relative à la rémunération variable doit être rédigée en français. La jurisprudence considère en effet que des objectifs fixés dans une langue étrangère, même comprise du salarié, lui sont inopposables (Cass. soc. 29 juin 2011 n° 09-67.492) ; à moins qu’une traduction en français ait été rapidement fournie (Cass. soc. 21 sept. 2017, n° 16-20.426.)

3. La clause relative à la rémunération variable ne peut avoir pour conséquence d’infliger une sanction pécuniaire au salarié (Cass. soc. 4 juill. 2007, n° 06-40).

Toute modification de la rémunération variable du salarié doit être expressément acceptée par ce dernier.

Peu importe que l’employeur prétende que le nouveau mode de rémunération serait sans effet sur le montant global de la rémunération du salarié (Cass. soc, 18 mai 2011 n° 09-69175).

La rémunération constitue en effet un élément essentiel du contrat de travail qui ne peut être modifié ni dans son montant ni dans sa structure, sans l’accord du salarié. C’est notamment le cas de la réduction de la zone géographique d’un commercial de nature à diminuer son chiffre d’affaires et par voie de conséquence ses commissions (Cass. soc. 10 avril 2013, n° 12-10.193).

Cette règle est conforme aux dispositions de l’article L 1222-1 du Code du travail qui disposent que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

Enfin, même acceptée, la modification ne doit conduire ni à faire supporter le risque de l’entreprise sur le salarié (Cass. soc. 2 juill. 2002, n° 00-13.111), ni à porter la rémunération en-dessous des minima légaux et conventionnels.

Serai-je remplacée par un robot ?

A l’heure où les métros, drones et autres engins terrestres ou aériens se pilotent seuls, où l’Intelligence Artificielle envahit le monde, où un célèbre champion du jeu de Go vient d’être piteusement battu par une machine, nous savons que nous devrons bientôt inventer un nouveau modèle économique car de nombreux métiers disparaîtront. Les professions dites intellectuelles ne sont pas épargnées, puisque le diagnostic du médecin, le geste du chirurgien, l’expertise du juriste pourront être remplacés par l’intervention plus sûre de la machine. Exit les juges et les avocats ! Vive l’avènement d’une justice simple et rapide d’un simple clic sur un écran d’ordinateur ! Tout un programme… en somme !

Tandis que les uns s’inquiètent – ou dorment – les autres : les « modernes » s’enthousiasment. Ils rêvent déjà de s’affranchir de cette cohorte de juristes : fonctionnaires, salariés ou prestataires couteux (en oubliant au passage les gains ou économies qu’ils leur permettent de réaliser). Certains imaginent même les profits qu’ils pourraient retirer de l’utilisation des machines.

Un article paru dans les Echos en 2016 proposait de confier la justice à des robots (Les Echos 21/09/2016, L. Alexandre, O. Babeau « Confions la justice à l’intelligence artificielle »).

Au Royaume-Uni, un rapport de l’administration proposait déjà en 2015 de créer un tribunal civil en ligne, où les discussions et le jugement seraient automatisés. On y voit l’avantage d’une justice plus rapide et plus « juste », car plus fiable puisque plus complète, exacte et efficace… à supposer que la notion de justice existe dans un monde déshumanisé…

Mais ce serait réduire le rôle de l’avocat et du juge à une simple fonction de compilation, de synthèse et d’analyse de données textuelles et jurisprudentielles. Ce serait oublier leur vocation à créer le droit, qu’ils interprètent et bousculent jusqu’à le modifier. Le droit n’est pas une science exacte. Il n’est pas non plus objectif. La vérité judiciaire n’existe pas. Ce n’est que l’autorité de la chose jugée.

La justice a besoin des hommes, qui l’éclairent par leur vision, leur sensibilité et leur humanité. Elle ne s’exerce pas seulement dans les prétoires. Le développement des modes de règlements amiables des différends et processus collaboratifs nécessitent l’intervention des parties et de professionnels dont l’expérience et l’intuition ne peuvent être remplacées par des algorithmes. Par l’automatisation d’un nombre croissant de tâches, les robots devraient donc conduire l’homme à transcender ses capacités intellectuelles. Dès lors, au lieu de craindre ou spéculer, si l’on se mettait simplement à rêver ?… Rêver d’un monde où l’Intelligence Artificielle et Biologique se combineraient pour nous amener à nous surpasser ; où la fulgurance des machines combinée au partage du savoir et à l’efficience des bases de données, nous permettrait de développer de nouvelles compétences, de dépasser nos limites et d’augmenter notre créativité ?