La pension alimentaire : quel régime fiscal ?

En cette période de déclarations fiscales, quid de la pension alimentaire ?

Intitulée « contribution à l’entretien et l’éducation des enfants », cette pension payée chaque mois en cas de séparation ou de divorce par l’un des parents, a pour objet de contribuer aux frais d’aliments, de vêture, d’éducation et de loisirs des enfants. Elle est due tant que les enfants ne peuvent être autonomes financièrement, autrement dit au-delà de la majorité le plus souvent.

Qu’elle soit fixée amiablement ou en exécution d’une décision de justice, cette pension est actuellement soumise au régime fiscal suivant en ce qui concerne l’imposition sur les revenus :

EN CE QUI CONCERNE l’ENFANT MINEUR :

Si la charge fiscale de l’enfant est partagée entre les deux parents et qu’ils bénéficient donc tous deux de la majoration du quotient familial (Article 80 septies CGI), aucune déduction ne peut être pratiquée. Le cas le plus fréquent est celui de la résidence alternée.

Par contre, si la charge fiscale de l’enfant est exclusivement supportée par un parent, la pension est déductible des revenus du parent qui la verse :

  • A hauteur du montant fixé par le jugement ou la convention de divorce, sans limitation, sous réserve que la décision soit définitive depuis 2006. Pour les pensions fixées par une décision définitive antérieure à 2006, la pension est déductible pour 125 % de son montant.
  • Les augmentations annuelles (par le jeu d’une clause d’indexation ou en cas de revalorisation de la pension) sont également déductibles.
  • Les autres frais d’entretien, à savoir les dépenses en nature spontanées, versés en complément de la pension et en dehors de l’exercice du droit de visite et d’hébergement (frais médicaux, scolaires ou extra-scolaires par exemple), sont aussi déductibles à condition d’être justifiés. Il sera donc nécessaire de conserver les factures correspondant aux frais couverts et les relevés de comptes bancaires.

EN CE QUI CONCERNE l’ENFANT MAJEUR A CHARGE :

  • La pension est déductible sous condition de versement effectif et de justifier l’état de besoin de l’enfant majeur, dans la limite d’un plafond de 5.795 € (pour l’imposition des revenus de l’année 2017). Peu importe que la pension soit versée à l’autre parent ou directement à l’enfant. Cette somme est doublée si le majeur concerné a une famille à charge.
  • Lorsque l’enfant majeur réside chez le parent débiteur de la pension alimentaire, celui-ci peut déduire les dépenses de nourriture et d’hébergement pour un montant maximum de 3.445 €.

Pour le parent bénéficiaire de la pension, les sommes reçues sont imposables au titre de l’impôt sur les revenus et doivent donc être déclarées dans la catégorie des pensions. Lorsque l’enfant est majeur, le plafond applicable est le même que celui appliqué en matière de déduction. Il convient donc de déclarer : le montant effectivement reçu si celui-ci est inférieur à 5.795 € ou le montant de 5.795 €, si le montant réellement perçu est supérieur.

Caroline Pons-Dinneweth, Avocat à la Cour.

 

Divorce, séparation : quand un enfant rejette un parent…

Il arrive parfois qu’après un divorce ou une séparation, un enfant rejette un parent. Ce rejet peut prendre des degrés divers, du simple conflit, aux distances ou à la rupture brutale des relations. Ce rejet peut alors conduire à une demande de changement de résidence à l’initiative de l’enfant et la justice se trouve souvent peu à même d’apprécier la situation dans toute sa complexité. L’encombrement des tribunaux ne favorisant pas un examen approfondi, l’enfant est alors fréquemment entendu et son désir entériné, alors même que cette décision peut s’avérer contraire à son intérêt.

De nombreux professionnels ont pourtant expliqué ces phénomènes de rejet par un enfant de l’un de ses parents, parfois appelé « syndrome d’aliénation parentale ». Hormis les cas de maltraitance psychologique ou physique avérés dans lesquels, paradoxalement, l’enfant ne manifeste pas toujours le désir de couper le lien, les motifs peuvent être très variés. L’enfant décide parfois de se tourner vers le parent qui lui semble le plus fragile, le parent victime en quelque sorte. Dans d’autres cas, il favorisera le parent le plus compréhensif ou permissif ou son choix sera inconsciemment motivé par le fait d’obliger l’un de ses parents à faire preuve d’autorité.

La psychothérapeute Elodie Cingal analyse ces situations de rejet de la manière suivante :

Pendant la phase de séparation et celle qui suit, les parents ne sont plus les parents connus par l’enfant. Dans ce contexte, l’enfant qui n’a qui pas fini de se construire (quel que soit l’âge, même à 18 ans) se retrouve face à une perte de repères et de valeurs. Les deux parents se contredisent et les habitudes, à savoir les éléments de sécurité familiaux, sont rompus. L’enfant fragilisé peut alors se tourner vers l’un de ses parents et le choix ne portera pas forcément sur celui qu’il préfère mais sur celui qui se montre le plus conciliant et peut faire de sa vie un havre de paix.  Dans certains cas, son rejet peut aussi être inconsciemment motivé par le fait d’obliger l’un de ses parents à fixer des limites, à retrouver sa place et faire montre d’autorité.

Si le parent rappelle à l’enfant que malgré la situation de séparation et les désaccords, l’autre parent a toujours sa place et doit être respecté, le rejet ne pourra pas être mis en place. Pour qu’un enfant décide de ne plus voir l’un de ses parents de manière radicale, c’est donc que l’autre parent l’a autorisé, soit en laissant faire, soit par volonté de nuire.

Souvent le parent insiste pour que l’enfant aille voir son autre parent, mais il n’impose pas à l’enfant de le faire. Il suffirait pourtant qu’il dise à l’enfant « c’est ton père/ta mère, tu iras et c’est comme ça. Ce n’est peut-être pas le père/la mère idéale pour toi mais il/elle reste ton père/ta mère. Tu es encore mineur et ce n’est pas à toi de décider ce qui est bien pour toi. Je parlerai à ton père/ta mère pour que tout se passe bien ». Ainsi, l’enfant entend :

– le respect maintenu pour l’autre parent,

– le rappel de sa place dans la famille,

– le rappel du système des valeurs familiales,

– que le parent gardien a entendu sa plainte et se sent concerné,

– que le dialogue entre les parents n’est pas totalement rompu.

Auparavant, il était interdit à l’enfant de mal parler à un parent ou de refuser une activité… Pourquoi soudainement donner ce pouvoir à l’enfant ?

Ce qu’il est important de comprendre ici, c’est qu’en voulant bien faire – laisser faire et accepter de transformer les règles de base (politesse, respect du parent…) – le parent gardien renforce le sentiment de pouvoir de l’enfant et permet la création du rejet. L’émergence du phénomène de rejet dépend donc de la gestion et du maintien par les parents des valeurs et habitudes. Certains laissent faire, soit dans le but de nuire à l’autre parent, soit dans la croyance naïve qu’ils compensent ainsi la perte liée à la séparation / divorce. C’est une erreur à ne pas commettre.

L’autre parent se retrouve démuni face au rejet de son enfant. Ayant déjà peu de temps avec lui, il ne sait comment modifier sa perception. Il se sent piégé et pressent vite que tout sera interprété contre lui. Il est de plus en plus isolé et de ce fait de plus en plus fragile et moins amène pour rétablir une vérité. La spirale descendante est enclenchée et chacun, le père, la mère et l’enfant, perdent le contrôle sur les événements à venir.

Comment décider si un enfant doit ou non continuer à voir l’autre parent ? Doit-on répondre positivement à sa demande ?

Se peut-il qu’un enfant rejette son parent quand celui-ci n’a rien fait de répréhensible ? Nous savons tous que la séparation est le lieu privilégié des rancunes, angoisse et réactivation des problématiques refoulées.

Rappelons-le, un enfant, même à 18 ans, n’est pas capable de comprendre les conséquences de ses actes et de ses paroles. Il n’a pas accès à tous les éléments pour prendre sa décision et il n’en a pas la compétence.

Lorsqu’un enfant rejette un parent, il n’a pas conscience de la spirale descendante qu’il lance. L’argument s’applique également à l’adolescent. Il ne sait pas encore faire la part des choses. Tout un chacun estime qu’un adolescent dit des choses qui dépassent sa pensée pour provoquer et tester les limites. Alors, lorsqu’il s’agit de rejet d’un parent, comment pourrait-on considérer qu’il a mesuré sa demande, qu’il en comprend les conséquences ? Quels adultes sommes-nous pour dire tout et son contraire ?

Il serait donc préférable de réfuter la demande de l’enfant. Mais, comment avoir la certitude que nous ne remettons pas l’enfant à un parent nocif ? La question à élucider est la suivante : Les éléments de plaintes sont-ils proportionnés par rapport à la demande ?

Un enfant qui rejette un parent pour des motifs disproportionnés ne doit pas être entendu. Entendre l’enfant ne signifie pas accepter aveuglement sa demande mais la prendre en compte. Il s’agit alors de lui faire remarquer que nous prenons en compte sa difficulté mais que la décision étant très grave, il a été décidé de maintenir le lien tel qu’il était auparavant avec son parent. Il s’agit également de rappeler à l’enfant que le rôle d’un parent est de s’assurer du maintien du lien entre l’enfant et l’autre parent. Il s’agit d’ajouter que le parent défaillant dans le maintien de ce lien devra rendre des comptes. On peut l’expliquer par des choses simples comme les règles de politesse intrafamiliales : Alors que le couple était marié, aucun n’aurait accepté que son enfant refuse de dire bonjour, au revoir ou bonne nuit à l’autre parent. Les deux seraient restés solidaires pour faire entendre les règles de respect auprès du parent… et plus exhaustivement de la vie. Ce respect de l’autre parent doit perdurer malgré la séparation.

Tenir compte uniquement de l’avis de l’enfant lorsqu’il refuse de voir son parent conduit malheureusement à une distorsion des valeurs chez l’enfant. Celui-ci, non conscient de ce qu’il demande et de ses conséquences (selon Piaget, un enfant a fini d’acquérir la pensée abstraite vers 16 ans et donc la notion de projection dans le futur et de vue globale), se retrouve maître de son destin mais surtout, il pense avoir le pouvoir sur le monde des adultes.

Il est donc essentiel que les parents ne règlent pas leurs comptes sur le dos de leur enfant, restent cohérents dans son éducation et fassent preuve de fermeté malgré la séparation. L’éducation suppose nécessairement des interdits, des contraintes et des frustrations. Dire non à son enfant n’est pas un signe de désamour mais au contraire celui d’un rôle éducatif responsable et investi.

Aucun enfant ne peut se construire dans le rejet total ou partiel de l’autre parent car renier une partie de sa famille revient à se renier lui-même. Les parents doivent donc, malgré la séparation, maintenir le lien qui les unit à leur enfant et préserver le respect de l’autre parent. Il en va de la sécurité affective de l’enfant et de son développement.

En effet, selon la psychothérapeute, des risques existent pour l’enfant à terme, qu’il s’agisse des troubles psychopathologiques, psychosomatiques et relationnels mais également d’une perte considérable de la confiance en soi, pouvant  induire diverses formes de dépendance.

 

Le divorce sans juge : mode d’emploi…

La réforme du divorce par consentement mutuel entrée en vigueur le 1er janvier 2017 a institué la possibilité de divorcer à l’amiable sans saisir le juge. Certains se demandent encore comment cela fonctionne. C’est très simple.

Les époux doivent chacun choisir un avocat différent. Ils peuvent aussi se présenter chez le même avocat et lui demander conseil pour orienter l’un deux vers un autre cabinet. Les avocats respectifs rédigeront ensuite la convention de divorce par acte sous seing privé contresigné par avocats. Cette convention suppose que les parties soient non seulement d’accord sur le principe du divorce mais aussi sur ses conséquences. En effet, si les deux avocats choisis par les parties peuvent tenter de les concilier sur des points de détail, ils ne peuvent régler un désaccord plus profond dans ce type de divorce.

La convention devra annexer l’acte liquidatif de partage établi par un notaire dans l’hypothèse où il serait nécessaire de régler la liquidation de biens immobiliers dont les époux seraient conjointement propriétaires.  Le projet de convention est ensuite adressé par chaque avocat à son client par lettre recommandée avec avis de réception, lui indiquant qu’il dispose d’un délai de réflexion de 15 jours pour signer l’acte. La signature par les parties et les avocats intervient à l’expiration de ce délai et l’acte est transmis par l’un des avocats au notaire aux fins d’enregistrement. Le notaire dispose d’un délai de 15 jours pour effectuer cette formalité qui donne force exécutoire à la convention. Les avocats effectuent ensuite des formalités de transcription du divorce en marge des actes d’état civil.

Cette réforme a eu le mérite d’accélérer sensiblement la procédure (un mois au lieu de trois à six précédemment).

La résidence alternée.

Décriée par les uns qui y voient un facteur de perturbation, les autres souhaiteraient que la résidence alternée soit plus largement appliquée en cas de séparation, considérant qu’elle constitue un compromis équitable pour enfants et parents (notamment pour les pères dont les droits sont parfois restreints des suites de la séparation). En novembre 2017, un projet de loi proposait même que la résidence alternée devienne la règle en cas de divorce ou de séparation. Mais correspond-elle toujours à l’intérêt de l’enfant ?

Les études menées par des psychologues et pédopsychiatres dans différents pays aboutissent toutes aux mêmes résultats. La résidence alternée aurait un impact positif sur les enfants, à l’exception des plus jeunes de moins de trois ans, auxquels elle serait plutôt mal adaptée et qui devraient vivre principalement avec la mère. Au-delà de l’âge de trois ans, il semble donc que les enfants en résidence alternée ont un meilleur cursus scolaire et sont moins angoissés. L’ensemble de ces études démontre aussi que dans tous les cas (parents vivant ensemble ou séparés), c’est davantage la fragilité ou le déséquilibre du ou des parents avec qui réside l’enfant et/ou l’existence de conflits qui impactent son bien-être. Par conséquent, lorsqu’elle se passe dans de bonnes conditions, la résidence alternée est statistiquement, plutôt favorable à l’enfant.

Elle reste néanmoins assez peu pratiquée puisqu’elle ne concernerait que 17% des enfants de parents séparés ; et ce pour une double raison. Sa mise en place (et donc sa réussite) dépendent de deux facteurs essentiels :

  • La proximité géographique des deux parents, de sorte que le mode de vie de l’enfant ne soit pas perturbé (poursuite de la scolarité dans le même établissement, loisirs, activités, etc.)
  • L’état de leur relation (entente suffisante et cohérence entre les modes éducatifs), de sorte que l’équilibre et le rythme de l’enfant ne soient pas affectés.

Même si une médiation familiale peut aider les parents à dépasser leur conflit et rétablir un dialogue constructif dans l’intérêt de l’enfant, une relation apaisée entre les ex est donc primordiale. Indépendamment de l’âge de l’enfant, les parents doivent donc prendre en considération l’intérêt de l’enfant pour déterminer ses conditions de vie et particulièrement la capacité de l’enfant à s’adapter à la résidence alternée. En particulier, cette mesure ne doit pas être souhaitée pour diminuer le montant de la pension alimentaire ou exercer une emprise sur l’autre parent par des liens réguliers, intrusifs ou conflictuels.

Sous ces réserves, le juge refuse rarement la résidence alternée lorsque les parents sont d’accord pour la pratiquer. En cas de désaccord, il tranche en fonction du seul intérêt de l’enfant.

Sa mise en place n’implique pas que le temps de résidence de chaque parent soit égal. Il doit simplement être équitable ; ce qui permet de prendre en considération les contraintes professionnelles des parents (astreintes professionnelles par exemple).

La résidence alternée peut aussi impliquer le versement d’une pension alimentaire par le parent dont les facultés contributives sont supérieures.

Les parents peuvent convenir que les prestations sociales relatives aux enfants soient partagées par moitié. Enfin, ils peuvent également se partager la part fiscale de leur enfant.