Litige entre associés : quelles solutions ?

En ménage comme en affaires, il arrive quelquefois que la belle entente de départ cède la place au conflit. Concentrés sur la réussite de leur entreprise, les associés fondateurs prennent rarement la précaution d’anticiper les conséquences d’une éventuelle mésentente, si bien que les statuts sociaux n’apportent souvent aucune solution. Par ailleurs, même lorsqu’une clause de sortie a été prévue, sa mise en œuvre peut soulever des difficultés et son principe même ne pas constituer une solution satisfaisante pour un ou plusieurs associés. Reste alors la mise en œuvre des dispositions légales, mais celles-ci s’avèrent limitées dans la mesure où l’esprit du législateur fait primer l’intérêt social et donc la stabilité de la société sur les conflits personnels entre les associés. La loi offre par conséquent peu de leviers aux associés pour régler amiablement la crise.

Certains droits attachés à la qualité d’associé peuvent néanmoins être utilisés en cas de conflit :

  • la convocation d’une assemblée :

Sous réserve de détenir une participation suffisante dans le capital social (laquelle varie selon le type de société), tout associé peut demander la tenue d’une assemblée générale et/ou solliciter en justice la désignation d’un mandataire chargé de convoquer l’assemblée et d’en fixer l’ordre du jour.

  • Le dépôt de questions écrites :

Une fois l’assemblée convoquée, l’associé peut poser des questions écrites et déposer des projets de résolutions. Bien que limité, ce droit permet à l’associé d’être informé sur la conduite des affaires. Il peut aussi permettre de caractériser la mise en péril de l’intérêt social ou de rapporter la preuve d’une faute des dirigeants sociaux.

  • L’expertise de gestion :

A certaines conditions, un ou plusieurs associés peuvent demander en justice la désignation d’un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion déterminées. Cette demande n’est pas subordonnée à la preuve d’une faute de gestion puisqu’elle a précisément pour but de l’établir ; mais elle doit revêtir un caractère sérieux.

Utilisés avec pertinence, ces droits peuvent dans certains cas constituer des moyens de pression permettant de renverser le rapport de force et contraindre les autres associés à négocier un règlement amiable ; ce d’autant que les dirigeants sociaux préfèrent généralement éviter l’immixtion de tiers (mandataires, experts) dans la gestion des affaires sociales.

En cas d’échec, la résolution du conflit sera judiciaire, avec différentes possibilités d’action :

  • L’action en abus de majorité ou de minorité :

L’action en abus de majorité suppose que soit démontré que la décision est contraire à l’intérêt social et ne favorise que les associés majoritaires. L’abus de minorité suppose que la décision proposée soit considérée comme essentielle pour la société et que le minoritaire agisse dans son seul intérêt au détriment de l’intérêt social. Dans les deux cas toutefois, le tribunal ne pourra pas se substituer aux organes sociaux pour voter ou remettre en cause la décision. Il ne pourra que condamner les défaillants à des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi ou désigner un mandataire ad hoc aux fins de représenter les associés minoritaires à une nouvelle assemblée si l’abus est caractérisé et voter en leur nom dans le sens de l’intérêt social.

  • La désignation judiciaire d’un mandataire ou administrateur ad hoc :

En cas de conflit particulièrement grave paralysant le fonctionnement normal de la société, un mandataire ad hoc pourra être désigné afin d’administrer temporairement la société. Si aucune solution n’est trouvée, cette action pourra conduire à une solution radicale : la dissolution judiciaire de la société.

  • La révocation du dirigeant pour juste motif :

Dans les cas où la loi ou les statuts sociaux prévoient la possibilité de révoquer le dirigeant pour juste motif ou motif légitime, cette révocation pourra être demandée en justice si un désaccord persiste avec les autres associés sur la gestion des affaires. Il sera alors nécessaire de caractériser des éléments objectifs de révocation. Toutefois, cette procédure ne permettra pas de régler directement une éventuelle sortie.

Compte tenu des difficultés inhérentes à ces diverses procédures, la meilleure solution reste donc l’anticipation des conflits. Dans ce domaine comme dans bien d’autres, mieux vaut prévenir que guérir ! Afin d’éviter qu’un associé ne reste prisonnier de ses titres dans un conflit inextricable ou au contraire, soit contraint d’accepter des conditions de sortie qui ne le satisfont pas, il sera avisé d’anticiper le risque dès la création de la société par une rédaction attentive des statuts ou d’un pacte d’associés. La prévention des conflits entre associés suppose d’abord que soit clairement défini le rôle de chaque associé, au regard de ses compétences propres et de l’investissement qu’il souhaite apporter au projet. Il est possible de préciser ces éléments dans les statuts ou dans un pacte entre associés. En cas de répartition égalitaire du capital social, des clauses de rachat forcé (« buy or sell »), de retrait ou encore prévoyant un droit de vote double pourront être envisagées afin d’éviter les situations de blocage. La prévention implique donc une rédaction experte des statuts ou du pacte d’associés destinée à permettre un règlement amiable et définitif du conflit. Il sera également utile de compléter ces dispositions (retrait, rachat forcé, retrait avec reprise en nature, exclusion, révocation du dirigeant, etc.) de clauses prévoyant le recours à un mode de règlement alternatif des différends (médiation, arbitrage.…), qui pourront être mises en œuvre au préalable et permettront d’éviter des contentieux longs, coûteux et aléatoires pour toutes les parties.

Vie privée et contrat de travail

Chacun a droit au respect de sa vie privée. Ce droit peut néanmoins subir des restrictions dans le cadre de la vie professionnelle, à condition qu’elles soient nécessaires et proportionnées au but poursuivi (article L 1121-1 du Code du Travail).

Ces deux conditions imposent à l’employeur de respecter certaines règles, comme par exemple informer au préalable personnellement le salarié s’il souhaite utiliser un dispositif de vidéosurveillance sur son lieu de travail. L’employeur qui souhaite installer un système de géolocalisation sur le véhicule de fonction d’un salarié doit aussi l’en informer au préalable, ne pas utiliser le système à d’autres fins que celles prévues et pouvoir désactiver le dispositif lorsque le véhicule est utilisé par le salarié dans le cadre de sa vie privée.

La liberté vestimentaire du salarié peut également être restreinte si cette restriction est justifiée par le travail et proportionnée au but recherché. L’employeur peut ainsi prévoir dans un règlement intérieur un type de tenue dans l’entreprise. En l’absence de règlement écrit, le salarié ne peut pas, en principe, être licencié en raison de sa tenue, à moins que celle-ci cause un préjudice à l’entreprise (réputation, image…).

En ce qui concerne l’usage des ordinateurs et Internet, la prudence est de mise ! Tous les documents détenus par un salarié dans l’entreprise sont présumés professionnels. L’employeur peut donc en prendre connaissance en l’absence du salarié, sauf si celui-ci a mentionné qu’ils étaient de nature privée. Les courriels et fichiers se trouvant sur l’ordinateur professionnel ne sont pas considérés comme privés du seul fait qu’ils émanent de la messagerie électronique personnelle du salarié. Ils doivent le préciser expressément. Néanmoins, si l’employeur a le droit de consulter les documents qui ne sont pas signalés comme personnels, il ne peut pas les utiliser contre le salarié dans une procédure judiciaire s’il s’avère qu’ils relèvent de sa vie privée. Ainsi par exemple, il a été jugé que l’employeur ne pouvait pas se servir de courriels que son salarié avait échangés avec sa petite-amie pour prouver sa volonté de démissionner (Cass. soc. 18.10.2011, n° 10-25706).

Les connexions Internet pendant le temps de travail sont aussi présumées avoir un caractère professionnel et leur utilisation abusive à des fins personnelles peut constituer une faute justifiant un licenciement. En effet, un motif tiré de la vie privée peut justifier un licenciement disciplinaire s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail ou a un impact sur la vie de l’entreprise.

Quant aux réseaux sociaux, mieux vaut éviter les publications accessibles à tous pour conserver son emploi ! Dans une affaire récente, il a été jugé que l’employeur avait commis une atteinte disproportionnée et déloyale à la vie privée de la salariée en fournissant au juge des informations publiées sur le compte Facebook de cette dernière, obtenues via le téléphone professionnel d’un autre employé (Cass. soc. 20.12.2017, n° 16-19.609). La décision aurait sans doute été différente si les informations produites par l’employeur avaient été postées par la salariée sur son compte Facebook en mode « public »…